Histoire

22,50 mètres de haut et 350 tonnes d’acier... Le Cyclop est une œuvre sculpturale monumentale qui trône dans les bois de Milly-la-Forêt (Essonne, Île-de-France). Réalisée par Jean Tinguely avec le concours de sa femme Niki de Saint Phalle et de leurs amis artistes (Bernhard Luginbühl, Rico Weber, Daniel Spoerri...), c’est une immense tête sans corps, étincelante de miroirs, avec un œil unique, une bouche d’où ruisselle de l’eau sur une langue toboggan, une oreille qui pèse une tonne... Elle abrite en son centre un univers surprenant qui se découvre au fil d’un parcours labyrinthique ponctué d’œuvres et de curiosités à la fois graves et pleines d’humour : des sculptures sonores, un petit théâtre automatique, une machinerie aux engrenages de ferraille… Dada, Nouveau Réalisme, Art cinétique et Art brut : quatre mouvements artistiques se côtoient dans cette œuvre d’une grande richesse. Aussi appelé « La Tête » ou « Le Monstre dans la forêt », Le Cyclop est un monument unique dans l’histoire de l’art. Mais c’est avant tout le fruit d’une aventure collective, tissée de liens d’amitié, une utopie réalisée au cours de nombreuses années par « une équipe de sculpteurs fous » réunie autour de la personnalité de Jean Tinguely.

Jean Tinguely a développé un art basé sur le mouvement, le hasard, les vitesses relatives, les sonorités. Ses sculptures réalisées à partir des rebuts de la société industrielle, assemblages de ferraille rouillée, interrogent, déroutent le spectateur, l’interpellent par leur humour et leur dérision. Ses « anti-machines » sont une critique de la société occidentale, elles sont inutiles puisqu’elles ne produisent rien mais s’appliquent à mettre en défaut les techniques modernes pour les tourner en dérision. En 1956, Jean Tinguely fait la connaissance de Niki de Saint Phalle et dès leur rencontre, ils travaillent ensemble. Tout au long de leur vie, ils seront l’un pour l’autre une source d’inspiration, tant sur le plan humain que sur celui de leur art. Complicité, amour, rivalité, échange, confrontation furent la base de leur collaboration.

En 1968, Jean Tinguely et son ami, le sculpteur Bernhard Luginbühl, travaillent au projet du Gigantoleum. Ils voulaient édifier une immense sculpture-architecture, espace interactif ludique rassemblant des domaines artistiques variés. On y aurait trouvé un cirque, des attractions de fête foraine, un théâtre, un cinéma, un restaurant et même, une immense volière avec des milliers d’oiseaux ! Mais le Gigantoleum ne vit pas le jour. Aucun mécène ne voulut financer le projet trop coûteux et ambitieux. Jean Tinguely décida alors de construire Le Cyclop.

En 1969, le chantier démarre dans la forêt de Milly. Jean Tinguely savait que la seule manière de mener à bien le projet de « La Tête », était de financer lui-même les travaux, ainsi il pourrait travailler en toute liberté. Aucun architecte ne participera à la construction et seuls les artistes, avec courage, force et ténacité, bâtirent progressivement cette sculpture titanesque. Il aura fallu dix ans de labeur pour ériger Le Cyclop et quinze années supplémentaires avant que soient mises en place les contributions de chacun.

En 1987, pour assurer sa protection et sa conservation, ils décidèrent de donner Le Cyclop à l’État français. Il entre alors dans la collection du Cnap (Centre national des arts plastiques). En 1988, le ministère de la Culture a délégué la gestion du lieu à l’association Le Cyclop qui a pour mission d’entretenir, d’assurer les visites et de promouvoir l’œuvre. En 1991, à la mort de Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle se chargea, en respectant au mieux les idées de son compagnon, de terminer la sculpture en finançant les derniers travaux. En mai 1994, Le Cyclop fut inauguré par François Mitterrand, Président de la République et ouvert au public. Niki de Saint Phalle décida alors que Le Cyclop était achevé et que désormais, aucune œuvre ne pourrait être ajoutée.